Contes de contrées
incongrues
Image par __Jasmin de Pixabay
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Dans un nuage très haut perché dans le ciel habitait une goutte d'eau. Elle était la dernière-née d'une belle famille fusionnelle et solidaire : ses parents, sa grand-mère, et ses quatre inséparables sœurs. Elle vivait tranquillement avec ses pairs, ni complètement intégrée à cette société somme toute étouffante, ni complètement isolée non plus. La vie était bien paisible, là-haut dans les nuages. Loin de la pesanteur terrestre et de celle de la vie, hors du temps, voire de la réalité, les gouttes ne s'occupaient que de sauter d'un nuage à l'autre, faire la course avec les autres clans en cherchant les vents les plus rapides, monter le plus haut possible, dessiner des arcs-en-ciel ou courir après ceux des autres. Ces activités comblaient parfaitement toutes les gouttes d'eau de l'atmosphère. Qu'avaient-elles d'autre à faire de toute façon ? C'était leur rôle, leurs traditions, et ça avait toujours été comme ça. Le vent était là pour le leur rappeler.
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Le professeur Xarcophall'ymbus était un éminent savant de l'université de Safrania. Cet érudit accompli était respecté, voire vénéré, pour tous ses travaux dans de multiples domaines – dans en fait à peu près tout ce qui constituait les sciences théoriques et expérimentales. Mais s'il y avait un domaine dans lequel le professeur Xarcophall'ymbus ne s'était pas investi, c'était bien l'étude de l'anthropomorphie féérique.
Lorsqu'un imprudent osait aborder ce sujet, Pr. Xarcophall'ymbus s'emportait. Soyons réalistes, voyons ! Des êtres humanoïdes uniquement féminins, voletant comme des insectes dans un scintillement sonore et lumineux, qui jetaient de la poudre magique et étaient spirituellement liés aux lutins de la forêt ? Pourquoi pas un canard-castor-taupe aux griffes venimeuses et qui pond des œufs ? C'était tellement grotesque... Les quelques lutins de la forêt qui vivaient encore à Safrania étaient trop sages pour s'offusquer devant ce manque flagrant d'ouverture d'esprit de la part d'une des têtes les mieux faites de la faculté. Il y avait cependant un farfadet que tout ceci agaçait. Farmanil convainquit une trentaine de fées de la forêt de Nebrielda d'abandonner pour quelques temps leurs compagnons à chapeau et de venir faire une visite à l'honorable professeur Xarcophall'ymbus. Celui-ci, bien entendu, ne s'avoua pas vaincu si facilement. Tout ce bourdonnement de lumière était dû au reflet du Soleil dans le verre de ses nombreuses vitrines. Le farfadet était de par sa nature au moins aussi têtu que le vieil homme. Quelle explication donnerait donc monsieur le professeur de sciences théoriques et expérimentales à ce piaillement incessant des fées qu'il lui présentait ? C'était évidemment ses oreilles fatiguées qui crépitaient, sous le coup de sa vieillesse sujette aux acouphènes. Farmanil, furieux, demanda aux fées de jouer de leurs charmes pour mettre la pagaille dans le bureau du respectable professeur Xarcophall'ymbus. Celui-ci répondit que c'était un coup de vent. Le farfadet ne voyait plus qu'une solution. S'en prendre physiquement à ce vieil abruti d'érudit. Les fées le soulevèrent au plafond, et le lâchèrent. Ce à quoi il répondit que tout ceci était une hallucination due à la chaleur lourde de cette fin d'après-midi d'été et que son cerveau fatigué s'était laissé abuser. Farmanil retenta l'expérience à l'automne, en hiver et au printemps. Rien n'y fit. Le professeur trouvait toujours une excuse dans son sac à hypothèses toutes propres qui invalidait celle que lui proposait le farfadet. De leur côté, les fées étaient de moins en moins enclines à faire le déplacement pour si peu de considération. Une loi orcanienne disait bien : « plus c'est petit, plus c'est susceptible ». Le farfadet réussit toutefois à réunir une dernière poignée de ces petites dames ailées. Cette fois-ci, le plan était d'amener le professeur à prendre en main les fées. Il sentirait leur masse, si faible était-elle, il toucherait leur chaleur, il remarquerait leur visage et leur silhouette... Hélas, le résultat fut mitigé. Le vieux bougre consentit à reconnaître l'existence des fées, oui, mais sous la forme de gros insectes au venin psychotrope qui faisait croire que l'on tenait une jeune fille entre les mains. Farmanil, pour aussi têtu qu'un farfadet pouvait l'être (car une autre loi orcanienne disait bien « plus c'est petit, plus c'est têtu »), abandonna. Alors, depuis, les fées ne se donnent plus la peine de se montrer à qui ne veut pas les voir. C'était un vieux berger qui habitait à l'écart de tout. Il avait construit une petite maison en bois, à l'ombre des arbres et coupée du vent. La journée, il laissait ses bêtes paître dans la prairie, entre les montagnes, la forêt et la petite rivière en contrebas, tandis qu'il s'occupait de son potager. Le soir, il rentrait ses bêtes dans la ménagerie et s'installait près du feu, où il bricolait. Il menait une vie paisible, à l'image de ses moutons qui gambadaient dans les hautes herbes ou de ses citrouilles qui poussaient tranquillement.
Par un soir d'hiver, le vent vint se présenter à sa porte. La montagne l'avait chassé, il était triste, il avait froid. Il ne savait pas trop où aller, alors il suivait les flancs de la montagne quand il avait aperçu la maison isolée. Le vieux, étonné que le vent ait réussi à le trouver, et encore plus surpris qu'il eut froid, accueillit le malheureux chez lui. Hélas, celui-ci était maladroit. A peine eut-il passé le seuil de la porte que le toit s'envola, emportant avec lui tout un pan de mur ainsi que des meubles et autres affaires personnelles du berger. |
Il était une fois...
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